Lydia Tabary


Les figures erratiques de Lionel Chalaye

“Par l’espace, l’univers me comprend et me cerne comme un point; par la pensée, je le comprend” disait Pascal. Par la sculpture, je tente de visualiser cette irréductible compréhension mutuelle, pourrait dire Lionel Chalaye. Car son oeuvre naît du désir de saisir et traduire la dimension poétique du monde contemporain, expression de la permanence d’une relation symbiotique nodale entre l’homme et l’univers.
Si de tout temps, l’espace de la pensée s’est enrichi de la pensée de l’espace, la mémorisation des connaissances et de l’expérience d’un espace/temps en expansion, rend plus crédible aujourd’hui, l’idée d’une similarité fonctionnelle et d’une interprétation de ces mondes intérieur et extérieur, soumis aux mêmes forces cycliques. Le travail de L.Chalaye évoque surtout l’utilité d’une dynamique du regard comme source d’énergie, de liberté. Il éprouve une certaine physicalité de la représentation, en relation avec le regardeur: « de l’expérience de son contact avec l’oeuvre, de ses déplacements en regard des tensions de celle-ci, il augure le déploiement d’un parcours en réflexion avec la proposition plastique », nous dit l’artiste.
L’oeuvre de L.C. est tout entier tendu vers la production de figures de cet élan vital et virtuel, réel et imaginaire. Figures erratiques dont le mouvement n’est pas mobilité mais tension d’une vigilance en alerte. Figures ouvertes, qui se fondent dans l’espace qui les traverse, les pénètre, les constitue. Pas de masse, peu de surface, mais l’entrelacs d’une ligne sinueuse qui se déploie et s’étend, se replie, se concentre, comme égarée dans sa singulière multitude. Pas de volume non plus, mais une globalité faite de cette peau vibrante, invisible substitut du volume, que le regard façonne en affrontant le vide. Les écarts, les intervalles, la tension variable des courbes donnent à la sculpture son rythme, sa respiration. Parfois l’inclusion d’un élément disjoint, qui aimante le regard et le relance, lui confère son mystère et sa puissance évocatrice. Chaque pièce est un monde en soi, un monde de trouées et de circulations où les énergies coïncidentes exaltent le couple signe/espace.
L’oeuvre est conçue comme une totalité expressive, elle occupe notre espace mais s’individualise par ses qualités insolites, par sa capacité, en tant qu’objet réel, à se définir elle-même comme espace autre.

Lydia Tabary